Manuscrit

[Lettre autographe signée et datée à Henry Woollett]

Titre [Lettre autographe signée et datée à Henry Woollett]
Auteur Caplet, André
Responsable(s) secondaire(s)
Woollett, Henry : Destinataire
Type de document 1 lettre (7 pages) ; 18 cm
Langue du document Français
Notes Lettre autographe à l'encre noire, sur deux double feuillets, papier ligné.
"19.7.16 Mon cher Woollett, nous ne sommes pas le moins du monde au repos, mais bien aux tranchées depuis plus de trois semaines. Il est vrai que notre secteur actuel est des plus calmes. Il pourrait être considéré comme presqu'un demi-repos. A part, à certains jours, quelques soubresauts de nervosité chez nos adversaires, nous vivons tranquilles. Cela nous change singulièrement de la trépidante fébrilité de nos précédents séjours aux premières lignes. Je ne pense pas que l'on nous laissera encore bien longtemps dans ces parages tranquilles. La Somme nous guette, à moins que la Champagne ne nous happe au passage. Mon cher Woollett je constate avec étonnement que vous, pionnier d'avant-garde, vous retardez singulièrement... Comment, vous me parlez d'une prochaine lecture de la Sonate pour violoncelle et piano de Debussy ! Alors qu'il y a déjà plus d'un mois que nous avons inscrit cette oeuvre à nos programmes, nous les hommes préhistoriques des cavernes !... Avec un jeune violoncelliste, premier prix du Conservatoire, soliste chez Lamoureux (Maréchal c'est son nom) j'ai joué devant le Général Mangin cette sonate du Musicien Français, annoncé à l'intérieur de la couverture. Je suis persuadé que Debussy n'a pas cherché à en faire une manifestation nationaliste. Je me souviens de la réflexion qu'il m'avait faite au moment où l'on parlait dans les journaux de ne plus jamais jouer les compositeurs allemands. Il est à craindre, me disait-il, que la camelote musicale boch ne soit remplacée par les plus mauvaises productions françaises. Ce serait le triomphe du mauvais goût, imposé d'office par des cancres tricolores. Je crois plutôt que l'idée de reproduire une couverture ancienne l'a accusé, d'autant plus que la conception de cette nouvelle oeuvre, très simpliste, se rattache nettement, ainsi que vous le dites, aux sonates primitives des violonistes italiens. Mais que de gentilles choses savonneuses elle renferme ! J'ai pris grand plaisir à la travailler et la faire travailler. J'espère que l'annonce faite des cinq autres sonates ne tombera pas dans la cave aux oubliettes. J'ai le trio de Ravel, nous n'avons pu encore le mettre au point. Le jour où nous devions le lire, un ordre de départ est arrivé, de sorte qu'il m'a fallu précipitamment le remiser au fond d'une caisse. A peine l'ai-je parcouru des yeux. Je ne le connais pour ainsi dire pas. Si l'occasion m'est offerte de pouvoir le mettre à l'étude, je vous en reparlerai. Je ne connais pas les 3 morceaux à 2 pianos de Debussy non plus que la Complainte d'un enfant perdu, qui vous a tant ému. Je vais demander à Debussy de me les faire envoyer. J'ai reçu votre colis, mon cher Woollett. C'est vraiment bien gentil à vous de me gâter ainsi. Gâteau, chocolat, cigarettes ont été les bienvenus. Les cigarettes étaient une bénédiction du ciel ; je n'en avais presque plus et le ravitaillement en tabac se fait très difficilement de notre côté. J'ai reçu de bonnes nouvelles de ma mère. Son attaque de paralysie est complètement repoussée... Je respire plus librement. Merci de penser à moi pour faire une sixième partie dans votre sextuor. Si la guerre est finie l'an prochain, comptez sur moi. En attendant... Je vous envoie, avec tous mes plus vifs remerciements, la meilleure expression de mes sentiments affectueux. A vous [Signature] Mon bon souvenir à Madame Woollett je vous prie."
Oeuvre(s)
ID interne 127500
Cote Rmc 728
PRET EXCLU - Consultation sur demande spéciale (archives@cmg.ch)
Localisation Dépôt extérieur
Notes sur l'ex. Acheté à la vente ADER du 13 mars 2023 (lot n° 37)